dimanche 15 septembre 2013

jeudi 5 septembre 2013

MAYA FERNANDEZ ALLENDE. «SALVADOR ALLENDE EST TOUJOURS PRÉSENT DANS LE PEUPLE»

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SALVADOR ALLENDE ET  MAYA FERNÁNDEZ

Le coup d’État militaire a brisé l’élan de l’Unité populaire que dirigeait Salvador Allende, votre grand-père. Quel rapport entretenez-vous avec ces événements ?

Maya Fernández Allende. En premier lieu, c’est la démocratie que l’on a brisée avec des violations des droits de l’homme systématiques. Mon grand-père est arrivé au pouvoir grâce au débat d’idées et à la démocratie, par la voie des urnes. Il y est parvenu grâce à l’appui des gens. Quarante ans plus tard, je crois qu’il faut soigner la démocratie, la travailler sans pour autant taire les divergences. Car il faut savoir exprimer les problématiques de la société. Nous sommes à un moment clé de ce point de vue.

Que signifie être la petite-fille d’Allende, engagée politiquement au sein du Parti socialiste, le même que votre grand-père, et qui plus est candidate aux élections législatives de novembre 2013 ?

Maya Fernández Allende. La figure de Salvador Allende est puissante. Cela n’a jamais été un fardeau pour moi, mais plutôt un orgueil. Je viens d’une famille dont l’histoire est très forte, où chacun respecte le chemin qu’a pris l’autre. Salvador Allende et ma mère, Beatriz, sont des exemples pour moi-même si je suis ma propre trajectoire. Je suis fière de mes origines. Je suis toujours touchée par la réaction des gens, toujours prompts à me raconter une anecdote sur mon grand-père. En dépit des quarante années passées, Allende est toujours présent parmi le peuple.

Comment expliquez-vous que le Chili se trouve toujours dans une phase de transition, pétrie par une Constitution héritée de la dictature ?

Maya Fernández Allende. Pour nos parents, la perte de la démocratie a été très violente. Ils ont dû récupérer la démocratie et la soigner. Aujourd’hui, celle-ci est plus solide. Et l’heure est venue de faire de grands changements. Comme les jeunes dirigeants étudiants, je crois que le Chili doit avoir sa propre Constitution, démocratique et citoyenne. Une Constitution que nous sentions comme nôtre. Le peuple est prêt.

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SALVADOR ALLENDE ET  MAYA FERNÁNDEZ


Une nouvelle maturité politique 
est-elle en train d’émerger ?

Maya Fernández Allende. Les enfants ou les petits-enfants de ceux qui ont vécu les événements ressortent dans la rue. Ce que nos parents avaient cessé de faire. Arrive une nouvelle génération qui veut reprendre la main mais en démocratie. Il reste beaucoup à faire, notamment contre les inégalités. Il faut des transformations en dépit d’un système politique binominal. C’est le signe d’une maturité démocratique.

Un large spectre de la gauche 
et du centre fait corps autour de la candidature de l’ex-présidente socialiste Michelle Bachelet pour la présidentielle du 17 novembre. Comment l’analysez-vous ?

Maya Fernández Allende. Cela met en exergue le travail accompli lors des dernières élections, lorsque la Concertation a gagné et que le Parti communiste l’a appuyée au second tour. Une série de questions ont été travaillées au sein de l’Assemblée nationale, comme la réforme fiscale. Nous avons des points de convergence. La diversité est une richesse et nous devons y être attentifs, car la droite mène encore ses campagnes anticommunistes. Il faut s’attaquer aux inégalités. D’où la question des grandes transformations de l’éducation, de la santé, et du système fiscal. Quatre ans de mandat, c’est court. Mais le pas doit être fait. J’espère que la Concertation s’ouvrira à d’autres formations, comme la Révolution démocratique. Car nous avons plus de points en commun que de désaccords.

Est-ce là un legs de votre 
grand-père ?

Maya Fernández Allende. Le legs le plus important est la loyauté. On peut critiquer Chicho (surnom de Salvador Allende – NDLR) pour certaines de ses décisions mais il a toujours été loyal envers son peuple, sa façon de faire de la politique et de se donner à son peuple. C’est une valeur qui fait défaut aujourd’hui en politique.
Entretien réalisé par 
Cathy Ceïbe

1973 - 11 DE SEPTIEMBRE DE 2013

SALVADOR ALLENDE EN VISITA AL SUR DE CHILE RODEADO POR MIEMBROS DE LA COMUNIDAD MAPUCHE EN 1972. REVISTA LIFE

Allende está delante de nosotros, en el horizonte de nuestras más actuales preocupaciones. Pese a las mutaciones del mundo, somos y seguimos siendo allendistas, es decir, fieles a una promesa política que los años pasados no han hecho más quefortalecer.

Muchísimas plazas, calles y escuelas llevan hoy su nombre y de esto nos alegramos. Pero es de temer que para las generaciones futuras, su acción política no se reduzca sino a los lugares comunes que resumen una época: «socialismo», «revolución», «intervención norteamericana», «golpe de estado». La conmemoración de los 40 años del Golpe de Estado en Chile, debería permitirnos encontrar, más allá de este montón de clichés, la singularidad del mensaje de Salvador Allende.

Chile, 1970. Un pequeño país del fin del mundo va a suscitar el interés, la curiosidad y la admiración del mundo entero. A la cabeza de una coalición de fuerzas de izquierda, la Unidad Popular, Allende acaba de acceder al poder para realizar un programa político nunca visto antes: la instauración progresiva de un modelo socialista en el marco democrático. El proyecto es revolucionario, en el más noble sentido del término, es decir, perfectamente nuevo. Es la «vía chilena al socialismo». Sin armas, sin dictadura, sin sumisión; nada más que las urnas, la conciencia política del pueblo, las leyes.

Las lecciones del estalinismo parecen haber sido aprendidas, la guerrilla descartada como alternativa política; Allende no aparece como un teórico, ni como aventurero, él conoce su país, ha estado en todas las luchas, y tiene detrás suyo viejos partidos con una profunda raigambre popular. Su objetivo es claro y puede resumirse en una palabra: más justicia social. La conmoción será terrible, la oposición feroz, un gran país como Estados unidos sentirá rápidamente crecer la amenaza y tratará de destruirla por todos los medios. Lo que viene después lo sabemos. Allende morirá en el palacio de La Moneda, para hacer entender a las generaciones venideras que entre la democracia que él encarna y el estado de excepción que se instala no puede haber continuidad, sino sólo crimen, impostura e ignominia.

El siglo XX tiene pocos políticos que encarnen un proyecto de futuro; Allende es uno de esos pocos.

dimanche 1 septembre 2013

LES ÉTUDIANTS DÉPOUSSIÈRENT UNE ICÔNE

LES ÉTUDIANTS DÉPOUSSIÈRENT UNE ICÔNE  

En septembre 2011, les étudiants chiliens, soutenus par de larges pans de la société, se révoltaient contre le coût exorbitant de l’éducation supérieure. Et mettaient fin à un long reniement.
CAMILA VALLEJO
PHOTOCOOPERATIVA.CL
Durant des décennies, les forces progressistes chiliennes ont traité Salvador Allende en icône. On soulignait ses qualités personnelles et humaines ; on louait son attitude héroïque lors du coup d’Etat du 11 septembre 1973 : n’était-il pas mort les armes à la main ? Mais une telle célébration s’employait généralement à taire les volontés — et les réussites — de son gouvernement de l’Unité populaire (UP), une coalition allant des communistes aux sociaux-démocrates.

Or les manifestations étudiantes de 2011, les plus importantes depuis le retour à la démocratie en 1990, et l’émergence de nombreux mouvements sociaux (syndicaux, écologistes, etc.) à travers le pays (1) ont bousculé la gauche. Elles ont remis au goût du jour la nécessité de transformations structurelles profondes et élargi l’horizon de ce qu’il était possible d’exiger. Non seulement une éducation « gratuite et de qualité », mais également les moyens de l’obtenir : réforme fiscale, renationalisation du cuivre et surtout fin du modèle néolibéral inscrit dans la Constitution de 1980 — approuvée sous la dictature par la convocation d’une assemblée constituante. De nouveau, on a vu l’effigie d’Allende dans les rues. Mais, cette fois, il ne s’agissait plus de saluer une icône : les manifestants affirmaient se reconnaître dans le projet politique qu’il incarnait et qu’il incarne toujours.

Allende parvient au palais présidentiel de La Moneda, en 1970, après trois tentatives électorales infructueuses. Militant socialiste, il a toujours œuvré à la plus ample convergence des forces populaires opposées aux forces impérialistes et à l’oligarchie. Dans une Amérique latine déchirée par les guérillas, il propose d’ouvrir une « voie pacifique » vers la transformation sociale, alors même que son propre parti a pris acte, lors du congrès de Chillán, en 1967, du verrouillage de la voie institutionnelle, préférant appeler à la lutte armée.

Cette vision distingue Allende et lui a finalement permis d’amorcer un ambitieux programme politique : « Nous avons triomphé avec pour mission de renverser définitivement l’exploitation impérialiste, d’en finir avec les monopoles, de réaliser une réforme agraire profonde et digne de ce nom, de contrôler le commerce d’importation et d’exportation et de nationaliser, enfin, le crédit. Autant de piliers qui soutiendront le progrès au Chili, créant le capital social susceptible d’impulser notre développement », devait-il déclarer au balcon de la Fédération des étudiants de l’université du Chili (FECH), le soir de sa victoire.

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Image extraite du film « Septembre chilien », de Bruno Muel
Les mille jours de l’UP constituent à la fois un processus inédit d’ouverture politique et un grand sacrifice pour le peuple chilien. Ce sont mille jours au cours desquels partis politiques, syndicats, cordons industriels (organes autogérés des travailleurs) (lire « L’“octobre rouge” chilien et la naissance des cordons industriels ») et comités d’approvisionnement et de contrôle des prix (Juntas de Abastecimiento y Precios, JAP) ont uni leurs forces pour faire éclore un pouvoir populaire en mesure de répondre aux tentatives de déstabilisation du capital étranger et des intérêts impérialistes (lire « “La Spirale”, quand l’ancien monde refuse de mourir »).

L’expérience de l’UP n’a pas échoué : elle a été interrompue. Et la figure d’Allende n’est pas celle d’un président idéaliste laissant derrière lui un processus politique condamné. Elle incarne l’audace politique : celle qui a affirmé la modernité du projet de transformation révolutionnaire de la société, non seulement au Chili, mais sur tout le continent. Et elle a tracé ainsi une voie qu’a depuis empruntée une grande partie de l’Amérique du Sud, quoique dans un autre contexte, marqué par d’autres rapports de forces géopolitiques. Chaque avancée de ces gouvernements progressistes les rapproche un peu plus d’Allende.

Car évoquer le nom de Salvador Allende, ce n’est pas seulement parler du passé. C’est penser le présent, et préparer l’avenir.

Camila Vallejo

Présidente de la Fédération des étudiants de l’université du Chili (FECH) lors des manifestations de 2011. Candidate à un siège de député pour le Parti communiste chilien aux élections générales 

(1) Lire Victor de La Fuente, « En finir (vraiment) avec l’ère Pinochet », La valise diplomatique, 24 août 2011, et Hervé Kempf, « Au Chili, le printemps des étudiants », Le Monde diplomatique, octobre 2011.