mardi 21 octobre 2008

Hommage à Salvador Allende par Jacques Fath

Cette rencontre n’est pas la première que nous organisons avec nos amis du Parti communiste chilien. Vous vous souvenez sans doute de la commémoration des trente ans du coup d’Etat qui a eu lieu ici même. Vous vous souvenez de l’hommage à Pablo Neruda et de la soirée pour notre chère Gladys Marin.

Aujourd’hui, nous souhaitons, avec nos camarades chiliens, nous joindre, tout naturellement, aux hommages qui s'organisent en France en cette année du centenaire de la naissance du Président Salvador Allende.

Je voudrais en quelques mots évoquer l'homme politique que Volodia Teitelboim nous décrit avec admiration: un Allende aussi grand mort que vivant. Il a raison ! La force de ce révolutionnaire n'est pas seulement le fruit de son sacrifice au palais de la Moneda, en défendant la démocratie chilienne. Allende occupe une place particulière dans le siècle dernier. Il fut un acteur politique majeur dans l'histoire tragique et dans tous les justes combats qui ont marqué ce siècle.

Le gouvernement de l'Unité Populaire ne s'est pas fait en un jour. Il est d'abord le résultat de longues années de lutte, de construction patiente d’un rassemblement de l’ensemble de la gauche politique chilienne et du mouvement social. Un rassemblement qui a réussi à arracher la direction du pays à la droite, après quatre tentatives.

Après avoir été élu à la présidence, Allende a considéré qu'il fallait prendre le pouvoir ou, plutôt, installer un pouvoir réellement populaire.

En commun accord avec la CUT, son gouvernement a adopté les mesures qui ont permis aux travailleurs de participer à la direction des entreprises publiques et mixtes, aux organismes qui décidaient des politiques salariales. Les organisations sociales et les institutions existantes ont été fusionnées, avec les mécanismes de participation créés par la population, pour créer les nouvelles institutions.

La participation des travailleurs à la direction des entreprises, les nationalisations, la réforme agraire... Tout cela a fait partie d'une stratégie de prise du pouvoir et d'affirmation de l'indépendance du pays. Ces politiques et l'objectif d'une démocratie économique et de la construction d'un grand système de protection sociale sont l'oeuvre de l'homme d'Etat et militant que nous honorons ce soir.

Aujourd'hui, nous regardons avec beaucoup d'espoir les expériences progressistes en cours en Amérique latine. Ces peuples, dignes héritiers des idées défendues par Salvador Allende, ont su construire dans les luttes des rassemblements larges, penser une alternative et leur donner une réalité en élisant des gouvernements qui se revendiquent de la révolution, du socialisme, de la démocratie avancée, chacun selon son histoire et chacun, naturellement, en fonction du rapport des forces qui a pu se construire.

La nationalisation des ressources naturelles, la mise en place de politiques sociales qui commencent à donner des résultats, l'objectif d'une « qualité » nouvelle à la démocratie par la participation populaire, la défense de l'indépendance face aux transnationales et face aux grandes puissances, la mobilisation en faveur d'une unité régionale fondée sur des coopérations... sont les politiques pour lesquelles Salvador Allende s'est effectivement battu hier. Elles sont celles que la gauche latino-américaine porte aujourd'hui.

Comme hier, la confrontation avec les classes dominantes est d'une extrême dureté et l'ingérence des Etats-Unis se fait de plus en plus agressive.

Mais le rapport des forces a changé et les Etats-Unis sont sur la défensive. Une majorité des peuples latino-américains a élu des gouvernements opposés aux logiques du Consensus de Washington et rejette les politiques bellicistes de l'administration Bush.

Les succès récents montrent que l'impérialisme n'a plus la capacité d'imposer sa loi comme il l'a fait à l'époque du gouvernement de l'Unité Populaire.

Cette gauche latino-américaine est diverse et les stratégies de développement qu'elle adopte ont des portées différentes.

La volonté d'émancipation humaine et la recherche de voies nouvelles pour la transformation sociale, qui s'inscrivent dans les valeurs d'Allende, ne sont pas mortes avec les dictatures et la répression. Elles sont vivantes et en plein essor parce qu'elles correspondent aux aspirations profondes des peuples latino-américains.

Au Venezuela, la nationalisation du pétrole et d'autres secteurs de l'économie, la démocratie participative, la réforme agraire et la politique d'intégration sont au coeur de la révolution bolivarienne. Le Venezuela d'aujourd'hui joue un rôle de grande importance sur le plan international et développe une politique de coopération Sud–Sud active dans des domaines tels que l'énergie, les infrastructures, la Banque du Sud et bien d'autres.

L'opposition, avec le soutien des Etats-Unis et d'une partie de la droite européenne, a tenté de faire tomber le gouvernement du Président Hugo Chavez, en organisant un coup d'Etat qui n'a finalement duré que quelques heures. C'est la mobilisation populaire qui l'a mis en échec.

Au mois de novembre prochain, des élections régionales ont lieu dans tout le pays. Nous souhaitons beaucoup de succès aux forces révolutionnaires venezuelienes à qui nous renouvelons notre solidarité et notre sympathie.

Je suis heureux de saluer Frederico Ruiz, conseiller politique de l'Ambassade du Venezuela.

Depuis son élection à la présidence, Evo Morales fait face à une droite qui tente, avec le soutien actif des Etats-Unis, de bloquer l'adoption de la nouvelle Constitution et d'empêcher la mise en oeuvre des politiques voulues par les Boliviens. Le président Morales a pris la décision d'expulser l'ambassadeur des Etats-Unis alors que la droite lançait une offensive avec l'objectif de déstabiliser le gouvernement démocratique.

L'ensemble des pays membres de l'Union des Nations de l'Amérique du Sud (Unasur) a déclaré son soutien au gouvernement démocratique d'Evo Morales et a condamné toute tentative de coup d'Etat ainsi que l'objectif d'imposer à la Bolivie la sécession d'une partie de son territoire. Cette position a été prise malgré le soutien apporté par les Etats-Unis à l'opposition. On peut dire qu'elle a été prise contre eux.

Depuis lundi, des milliers de paysans, indigènes, syndicalistes et des représentants d'organisations sociales ont entamé une marche de 200 kilomètres pour se rendre à La Paz où ils exprimeront leur exigence de voir la nouvelle Constitution adoptée. Madame l'Ambassadrice, Madame Luzmila Carpio, permettez moi de vous dire que nous sommes à vos côtés. Et nous réaffirmons notre soutien aux légitimes exigences du peuple bolivien.

Il y a quelques mois, les pays latino-américains se sont fermement opposés à la tentative du gouvernement colombien, fidel allié de Washington, d'importer la guerre préventive sur le continent américain.

Cette situation nouvelle a aussi permis de desserrer l'étau du blocus américain contre la révolution cubaine. Depuis l'arrivée au gouvernement des forces de gauche, un grand nombre de projets de coopération ont été signés avec Cuba.

Les accords passés entre les pays membres de l'Alternative Bolivarienne des Amériques, Cuba, Bolivie, Venezuela, Nicaragua, Honduras ont permis des coopérations stratégiques qui concernent l'énergie, la santé, l'éducation, la culture.

C'est dans ce contexte nouveau que Cuba met en route des politiques qui lui permettront d'avancer des solutions nouvelles débattues par la population. La situation qui s'est créée avec le passage des deux cyclones rendra sans doute les choses difficiles mais elles seront bien moins difficiles que dans d'autres pays des Caraïbes grâce au niveau de développement social existant.

Je voudrais dire à notre ami Leyde Rodriguez qui représente ici l'ambassadeur de Cuba en France toute notre solidarité avec le peuple de Cuba qui défend ses aspirations révolutionnaires, sa souveraineté, son libre choix, son refus d'un blocus dont il faut exiger la levée immédiate et sans condition.

Quelques mots, enfin, à propos des élections municipales chiliennes qui auront lieu le 26 octobre prochain et des élections présidentielles qui se tiendront au Chili en décembre 2009.

Ces élections vont encore se faire dans le cadre d'un système électoral qui reste le même depuis 18 ans. Ce système dit binominal est injuste. Il empêche la représentation équitable de forces politiques ayant pourtant un soutien populaire, c'est le cas du Parti communiste chilien.

Comme notre ami Guillermo Teiller, président du PCC, l'a rappelé, le programme original de la Concertation des partis qui a mis Pinochet en déroute avait promis une réforme électorale permettant la mise en place d'un système pluraliste, démocratique, à la proportionnelle. C'est exactement ce système que nous demandons pour la France.

Votre revendication s'appuie -comme la nôtre- sur l'exigence de l'égalité de tous les citoyens devant la loi. Une telle réforme démocratique ne peut que renforcer la gauche et une dynamique unitaire de gauche dans son ensemble.

Nous espérons, chers camarades, que les prochaines échéances électorales permettront au Chili le renforcement des idées les plus progressistes, parce qu'il faut encore, aujourd'hui, affronter les forces héritières du Pinochetisme.

Chers amis, chers camarades, je suis heureux de pouvoir vous accueillir ici dans cette maison construite par notre camarade Oscar Niemeyer.

Je veux pour finir rappeler notre attachement à cette page de l'histoire que représente les luttes de l'Unité Populaire. Cet attachement est né de la solidarité avec le peuple chilien avant, pendant et après ces mille jours de gouvernement Allende qui ont marqué profondément l'histoire des luttes pour l'émancipation humaine, luttes qui sont les vôtres et les nôtres en ce 21ème siècle de crise mais aussi d'espoirs. « L'histoire c'est nous, c'est le peuple qui la fait » disait Salvador Allende. Faisons-là ensemble.

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