vendredi 14 septembre 2018

LA MORT D'UN PRÉSIDENT QUI VIT


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SALVADOR ALLENDE ET LE GÉNÉRAL CARLOS PRATS
« Un gigantesque nuage noir s'élève au-dessus du palais en feu. Le président Allende meurt à son poste. Les militaires tuent des milliers de personnes dans tout le Chili. (...) Mme Pinochet déclare que les pleurs des mères assureront la rédemption du pays. Le pouvoir, tout le pouvoir est occupé par une Junte militaire de quatre membres, formée à l'École des Amériques au Panama. Ils sont dirigés par le général Augusto Pinochet. »
Ces lignes de Galeano décrivent ce qui s'est passé le 11 septembre 1973, l'une des dates les plus profondément gravées dans l'histoire du Chili et de Notre Amérique. Ce jour-là, après plusieurs heures de siège et de bombardements au Palais présidentiel de La Moneda, le président chilien Salvador Allende est mort sous le feu des putschistes.

Comment Allende est-il mort ? Il s’est suicidé, déclarait la Junte militaire le lendemain, le 12 septembre 1973.

Comme une « figure glorieuse.... criblée et déchirée par les balles des mitrailleuses des soldats chiliens », écrit Pablo Neruda le 14 septembre sur son lit de mort.

« Sous les balles ennemies comme un soldat de la Révolution », déclara sa veuve Hortensia Bussi, quatre jours plus tard au Mexique.

Si le Président est mort aux mains de l'armée putschiste dirigée par Pinochet ou s’il s'est ôté la vie plutôt que de se rendre au Palais de la Moneda à Santiago du Chili, le 13 septembre 1973, les balles qui l'ont tué – d'où qu'elles viennent – ont perpétré l’un des crimes les plus abominables de l'histoire de l'Amérique latine.

On a fait le silence autour de son assassinat ; on l'a inhumé en cachette et seule sa veuve a été autorisée à accompagner son cadavre immortel. On raconte que cet homme courageux et digne a résisté pendant six heures avec un fusil que lui avait offert le chef de la Révolution cubaine, Fidel Castro, et que c'était la première arme à feu que Salvador Allende ait jamais utilisée.

Aujourd'hui, 45 ans se sont écoulés depuis la mort d'Allende. Cette nuit-là, les forces putschistes remirent un bref rapport au général Augusto Pinochet: « Mission accomplie. Moneda prise, président mort.» L'Unité Populaire et son président furent annihilés, ouvrant la voie à 17 ans de dictature militaire.

Leader de la gauche politique chilienne, Salvador Allende remporta les élections en 1970, menant une politique intense de nationalisation du secteur minier et industriel. Au milieu de la crise économique, en 1973, il réédita sa victoire électorale, ce qui finit par provoquer l'intervention violente de l'armée dans la vie politique du pays.

Au cours de sa première année de mandat, 47 entreprises industrielles et plus de la moitié du système de crédit furent nationalisées. Sa réforme agraire permit d’exproprier et d’intégrer à la propriété sociale quelque 2 400 000 hectares de terres productives.

Salvador Allende fut le premier homme politique chilien d’orientation marxiste en Occident, qui accéda au pouvoir à l’issue d’élections générales dans un État de Droit.

« La contradiction la plus dramatique de sa vie fut d’être un farouche ennemi de la violence, tout en étant un révolutionnaire passionné. Il pensait d’ailleurs avoir résolu le dilemme par l’hypothèse selon laquelle les conditions du Chili permettaient une évolution pacifique vers le socialisme, dans le cadre de la légalité bourgeoise », se souvenait Garcia Marquez dans sa chronique La véritable mort d’un Président.

Tels furent, en somme, ses vrais crimes, ceux que l'impérialisme et l'extrême droite le plus réactionnaire du Chili et de la région ne pouvaient pardonner au leader charismatique transformé en un peuple, en une majorité.

LA PLUS CONVENTIONNELLE DES GUERRES

Un coup d'État, morts, un coup de griffe à la démocratie, une menace à la souveraineté, un gouvernement servile, fantoche, un peuple qui souffre... tout cela arriva au Chili il y a plus de quarante ans. Et aujourd'hui, sommes-nous de plus en plus aux portes de ces menaces ?

La réalité est plus qu'évidente : des pays progressistes du continent sont victimes de tentatives déstabilisatrices qui cherchent à chauffer les rues, à semer le chaos et le désespoir pour provoquer un coup d’État, ou deux, peu importe.

Les coups d’État doux et la guerre non conventionnelle en Amérique latine apparaissent comme le plan Condor actuel, bien qu'ils ne cherchent pas à s’en prendre à un Chili riche cuivre, mais plutôt à attaquer les consciences, les volontés, à manipuler à coups de mensonges et de duperies.

Dans les documents qui régissent la vie politique des États-Unis, la guerre non conventionnelle (GNC) est définie comme « l'ensemble des activités visant à permettre le développement d'un mouvement de résistance ou d'insurrection, à contraindre, modifier ou renverser un gouvernement, ou à prendre le pouvoir par le biais d'une force de guérilla, auxiliaire et clandestine, dans un territoire ennemi », selon Hugo Morales Karell, docteur en sciences juridiques et chercheur sur des questions liées à la Sécurité nationale.

« Au cours de la dernière décennie, la GNC s'est révélée être la modalité la plus réalisable à utiliser par les États-Unis et leurs alliés pour renverser des gouvernements contraires à leurs intérêts », signale Morales Karell. Il y a eu de nombreuses variantes : prétextes pour générer des manifestations antigouvernementales, en prétextant un mécontentement populaire face à la situation économique, politique et sociale d'un pays, intervention dans les affaires intérieures des pays de la part de pays tiers alléguant une prétendue crise humanitaire ou une violation des droits de l’Homme, jusqu’à l'action présumée d'une opposition interne.

Les exemples sont légion, et certains sont même reconnus et déclarés par les États-Unis dans leurs documents doctrinaux : Albanie et Lettonie (1951-1955) ; Tibet (1955-1970) ; Indonésie (1957-1958) ; Cuba et l'invasion de Playa Giron (avril 1961) ; Laos (1959-1962) ; Nord Vietnam (1961-1964) ; Nicaragua et Honduras (1980-1988) ; Pakistan et Afghanistan (1980-1991) ; Irak (2002-2003).À ces cas avérés on peut ajouter ceux du Venezuela, du Brésil, de la Bolivie, où l'objectif manifeste pour endiguer l'avancée de la gauche progressiste dans la région.

Telles sont les réalités d'aujourd'hui. On ne voit ni les canonnières ni les drones, on n’assiste pas toujours à des largages de bombes ou à des interventions militaires, mais les agressions se poursuivent ; nous assistons à une manipulation très subtile visant obtenir la participation des jeunes, l'utilisation des avantages offerts par les technologies de l'information et des communications et des campagnes médiatiques intenses pour exercer une pression politique et atteindre, comme le professeur Karell l’affirme, « la plus classique des guerres ».

Mais n'en doutons pas, l'empire n’hésitera pas à recourir encore et encore à l'emploi de la force brutale et à l'assassinat cruel de dirigeants comme Allende, chaque fois que cela conviendra à ses intérêts et il ne lésinera pas sur les moyens pour se faire plier et se débarrasser des peuples et des gouvernements qu’il juge « gênants » et osent remettre en cause leur hégémonie. 


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