Compte Rendu de la réunion à l'Assemblée Nationale du 26 juin 2008
Paulina Enríquez, maître de cérémonie, a accordé la parole aux différents intervenants.
Henri Emmanuelli, député socialiste des Landes, a pris la parole en premier. Après avoir indiqué que ses obligations ne lui laissaient guère de temps, il expliqua pourquoi il tenait à être présent à cet hommage. Dans son intervention sont soulignées les caractéristiques inédites de l’expérience du gouvernement d’Allende pour conduire le Chili par la «voie chilienne» au socialisme, dans un monde en pleine guerre froide, et valorisé l’héritage d’Allende plein de leçons pour les générations à venir.
Étrangement, le texte lu par le parlementaire français ressemble mot pour mot à un texte mis en ligne dans ce blog depuis le lundi 3 mars 2008. La surprise de l’auteur, présent dans la salle, et la nôtre, collaborateurs du site, a été de taille. Néanmoins notre ego, faut-il le reconnaître, fut flatté par cet emprunt, et nous remercions l’assistant parlementaire pour le choix du texte.
Jean-Paul Huchon a tenu à s’associer également à cette cérémonie. Pour cela, il a quitté la séance de la session d’été du Conseil régional d’Ile-de-France (IDF), dont il est Président. Il a évoqué la mémoire d’Allende en se souvenant de la journée du 11 septembre 1973 qui l’avait surpris à Santiago alors qu’il visitait le Chili, au sein d’une délégation de la jeunesse du PSU venue pour connaître de près l’expérience politique en cours. Il a signifié à quel point la figure d’Allende et l’expérience de la «voie chilienne» au socialisme, ont suscité des vocations politiques parmi les actuels hommes politiques français.
M. Huchon a mentionné la coopération de la Région IDF avec un quartier de Santiago ainsi que sa participation financière, à hauteur de 50%, au musée Salvador Allende, ce qui lui donne des occasions de contacts et de voyages réguliers au Chili (NdR : le musée Allende a été inauguré le jour même par Michelle Bachelet à Santiago).
Il a aussi souligné que, ce qu’il appelle la «tension» entre les deux tendances politiques à l’intérieur de l’Unité Populaire, est aujourd’hui très présente au sein du Parti socialiste Français et de la gauche en général. A savoir, a-t-il précisé, la polémique entre la tendance prônant la consolidation des avancées et celle qui privilégie l’accélération des changements (NdR : la première position soutenue par Allende, le Parti communiste , le Parti Radical, des fractions du Parti socialiste et du MAPU (1), et la seconde par les autres secteurs du MAPU, du Parti socialiste avec son secrétaire général et le MIR (2)).
Finalement, M. Huchon a constaté l’actualité d’Allende parmi les jeunes générations, en prenant comme exemple le fait que son fils prépare un livre sur le Président chilien.
Fernando Valenzuela, responsable du Parti communiste du Chili en France, a pour sa part rappelé la vocation révolutionnaire d’Allende, son indéfectible confiance dans les masses, ainsi que sa ferme intention de toujours avancer, mais seulement en accord avec elles.
Il a souligné les signes de fidélité qui ont marqué les relations entre le Parti communiste et Allende, depuis 1952, jusqu’à constituer le principal appui politique du gouvernement de l’Unité Populaire.
En rappelant les massives luttes sociales menées actuellement au Chili, le représentant du Parti communiste a constaté que le manque de volonté politique des autorités actuelles pour modifier la Constitution héritée de la dictature pinochetiste, y compris au moyen d’un plébiscite, bloque toute évolution vers l’élargissement de la démocratie ainsi que le solde de la dette sociale de la plupart de la population. Il a dénoncé en particulier le maintien de la loi binominale qui marginalise le pouvoir législatif de larges couches populaires (y compris des Chiliens éparpillés de par le monde), et paralyse les réformes indispensables pour améliorer les conditions de vie des travailleurs.
Pour finir il a rappelé que l’exemple des idéaux d’Allende et l’expérience de l’Unité Populaire étaient repris par d’autres peuples et gouvernements en Amérique Latine et que l’engagement du Parti communiste reste «celui du combat pour la création d’un monde meilleur. Celui dont rêvait Salvador Allende».
Maruja PARRA, Présidente de la FEDACH (Fédération des Associations Chiliennes en France), se dit heureuse, en cette circonstance solennelle, de rendre hommage à Salvador Allende, même si cette cérémonie se tient «par contumace ». Salvador Allende, ajoute-t-elle, est mort parce que les Chiliens l’avaient choisi pour la magistrature suprême, «avec confiance et loyauté ». En tant que présidente de cette fédération, elle affirme se sentir «un peu la porte-parole du peuple chilien en France », peuple qui a subi après la mort de son Président, violences, peur, souffrance et exil. Elle tient à souligner que le fait que la communauté chilienne en France soit organisée, et en grande partie fédérée, montre «sa volonté d’exister démocratiquement, organiquement, fraternellement.»
Mme Parra précise que l’action de la FEDACH est marquée par sa profonde conviction de la nécessité morale de conserver, et aussi de transmettre aux générations futures, les principes «qui nous ont guidés sur le chemin vers le rêve de plus d’humanité, liberté, justice et fraternité dont était porteuse l’Unité Populaire ». Elle termine en déclarant que les Chiliens en sont redevables «principalement à un homme, hors du commun, Salvador Allende Gossens.»
C’est avec émotion que Jacques Fath, responsable des relations internationales du Parti communiste Français et membre du Comité Exécutif, a rappelé l’importance que représente pour les luttes en France l’exemple chilien, en impulsant une révolution démocratique dans l’unité des forces de gauche. Un exemple dont l’actualité reste entière (et de laquelle la France a grand besoin), et que l’on retrouve dans plusieurs processus en cours en Amérique Latine, a-t-il souligné. Ces gouvernements progressistes sont, a t-il affirmé, en train de modifier le rapport de forces dans cette région et dans le monde et de montrer que des alternatives sont possibles pour faire face au capitalisme.
Il a manifesté l’intérêt dans les diverses formes de gestion alternative qui surgissent en Amérique Latine
Le responsable communiste a précisé le fait que, pour Allende, démocratie et socialisme étaient inséparables. La démocratie pour Allende était aussi bien un moyen qu’un but ultime.
Il a assuré que c’est cette démarche démocratique et participative que l’on retrouve à des degrés divers dans les gestions des pays en Amérique Latine, l’adoption de nouvelles constitutions en étant l’une des meilleures preuves.
M. Fath a affirmé que «contrairement à cette vision qui fait qu’une certaine gauche, un peu partout dans le monde, préfère l’alternance à une véritable alternative au capitalisme» et se limite au rôle d’administratrice du système en place, le but d’Allende était de procéder à des transformations essentielles de la société pour construire une nouvelle légalité (le système socialiste) au service des intérêts populaires.
Il a également proposé à l’actuel gouvernement du Chili de rétablir les droits des peuples originaires, comme un hommage à S. Allende. Il s’est aussi prononcé contre le maintien de la loi binominale «qui exclut toute possibilité d’une représentation respectueuse du pluralisme» et qui écarte «de manière injuste les communiste s chiliens de la représentation parlementaire».
D’après lui, le Mercosur et la Banque du Sud sont actuellement, en Amérique Latine, deux entités qui développent les idées émancipatrices et d’intégration de S. Allende.
Il a rappelé que dans les années 70, par l’imposition de dictatures dans presque tous les pays d’Amérique Latine, les Etats-Unis voulaient en finir avec les volontés de changement des peuples. Aujourd’hui le retour conséquent des forces de progrès, dans cette région, fait naître un énorme espoir partagé par les progressistes du monde entier, a-t-il ajouté.
Il a constaté que «la convergence de nos luttes, la recherche partagée de nouvelles propositions pour des nouvelles alternatives au capitalisme, la création d’espaces de rencontre ouverts à toutes les forces progressistes sont à l’ordre du jour ». «Il s’agit d’une exigence pour nous tous qui voulons une autre société, conquérir des droits nouveaux, inventer des formes de démocratie inédites tant au plan national qu’au plan européen ou mondial» a-t-il souligné.
M. Fath a terminé avec ces mots : «Salvador Allende a été un homme qui a su voir la possibilité réelle d’un changement révolutionnaire par la démocratie et la liberté. Il fut un homme de son temps, capable d’inventer et de rendre possible une idée nouvelle».
Danilo Aravena, ancien Secrétaire d’Etat à la Jeunesse du gouvernement d’Allende et membre du Comité Central des Jeunesses socialistes sous la dictature, s’est déplacé depuis Madrid pour assister à cette commémoration. Il a retracé la vie politique d’Allende depuis son adolescence, en s’arrêtant sur les grands moments décisifs de son parcours. Ainsi sont ressorties son alliance avec le Parti communiste en 1951 à l’occasion de sa première candidature présidentielle (en 1952), sa volonté d’unité matérialisée dans la création du FRAP (3) pour affronter les élections de 1958, l’influence de la Révolution cubaine et sa troisième tentative de gagner les joutes électorales en 1964. Il a largement développé tant les réussites que les difficultés du gouvernement de l’Unité Populaire. Il a remémoré les grandes réalisations telles que la réforme agraire, la nationalisation du cuivre, les progrès dans les domaines éducatif, médical, civique, etc, sans oublier le développement de la «conception plus nette de la sécurité nationale» aux dires de Carlos Prats (5). En rappelant les actuelles difficultés des Chiliens dans tous les domaines sensibles de leur vie, «plus que jamais soumise à l’implacable exploitation de quelques consortiums nationaux et internationaux », l’intervention de l’ancien Secrétaire s’est terminée par un appel à la lutte pour «ouvrir véritablement les Grandes Avenues vers» ce que les Français résument dans la formule «Liberté, Egalité, Fraternité».
Armando Uribe Echeverria, Président du Parti socialiste chilien en France, a commencé son intervention en affirmant que «le Parti socialiste du Chili que je représente en France n’est plus que l’ombre du Parti de Salvador Allende». Et qu’il se devait envers la mémoire d’Allende d’employer «la franchise et la vérité sur la réalité politique chilienne d’aujourd’hui».
Il a ensuite développé deux aspects de la doctrine politique de S. Allende : son patriotisme et son légalisme.
Concernant le premier aspect, il souligne le profond attachement d’Allende à la réalité nationale qui dicte les mesures nécessaires qui doivent être prises indépendamment de la tendance politique du gouvernement en place. Cette connaissance de la réalité et cet impératif de changement montrent que «la gauche, en tant que représentante du peuple, est la représentante légitime de la nation» a-t-il déclaré. Ce patriotisme s’est aussi révélé, a t-il continué, lors de la dénonciation de l’interventionnisme des Etats-Unis pendant la campagne présidentielle en faveur de la Démocratie Chrétienne et au moment de son ultime combat dans le palais de la Monnaie pour défendre l’intérêt national contre le coup d’Etat, manifestation des intérêts étrangers.
Le deuxième trait développé par le responsable socialiste est le légalisme qui a conduit Allende à développer sa thèse de la «voie chilienne vers le socialisme », «la voie étant simplement celle des urnes », ce qui représentait un grave danger pour la domination américaine dans le contexte de guerre froide. Il a tenu à préciser que le processus engagé dans le Chili d’Allende se rapprochait beaucoup moins de celui des pays socialistes que de celui des démocraties d’Europe Occidentale. Il a souligné la tentative d’instaurer au Chili un «pacte républicain» qui a été effacé par l’ingérence étrangère et le manque de patriotisme de certains.
Le Président du Parti socialiste a ensuite constaté l’état de crise dans lequel se trouve le Chili actuel dans le cadre d’une transition négociée en secret avec les militaires. Crise d’abord politique qui touche tous les partis existants, y compris le Parti socialiste, dont «ses électeurs comme ses militants ont de plus en plus de mal à le reconnaître comme socialiste », a-t-il ajouté. Crise économique ensuite, illustrée par la concentration de la rente, l’effroyable taux d’endettement des ménages, les taux de crédit usurier qui dépassent les 52%, la privatisation dans tous les domaines à commencer par l’éducation et la santé. Crise également institutionnelle en approfondissant le modèle économique et maintenant la Constitution héritée de Pinochet. Le Président du Parti socialiste a déclaré que cet ordre institutionnel injuste favorise l’application de lois répressives envers les Mapuches, ainsi que l’impunité des responsables politiques qui ont cautionné le coup d’Etat, le maintien de l’arbitraire loi binominale et le déni du droit de vote aux Chiliens de l’étranger.
M. Uribe, en constatant la mort politique du modèle de transition chilien, a fait un appel aux forces vives de la nation pour instaurer une nouvelle charte constitutionnelle. Finalement, de manière solennelle, il a demandé «au nom et en souvenir du président Salvador Allende », que soit renouvelé «le pacte suprême des citoyens libres, en demandant la réunion d’urgence d’une Assemblée Constituante».
Pour notre part, nous voulons invoquer l’image de Salvador Allende, en cette année du centenaire de sa naissance, à travers l’un des traits les plus indélébiles de son action politique : son souci permanent de donner une dimension éthique à toute activité politique.
Nous pensons que cette attitude constitue, ou devrait constituer, une ligne de conduite qui permettrait, non seulement de nous distinguer, nous hommes et femmes de gauche, de nos adversaires politiques, mais plus encore serait la dimension essentielle sans laquelle on ne peut pas être porteur des valeurs de progrès, ni prétendre aspirer à créer un monde plus juste.
Le prestige et la stature d’Allende, qui traversent les décennies, sont basés sur le respect sans restriction de valeurs morales qui lui ont dicté sa conduite politique.
Le meilleur hommage que peuvent lui rendre ceux qui se disent admirateurs et continuateurs de son œuvre est d’avoir et d’essayer de maintenir la même honnêteté morale dont a fait preuve, tout au long de sa vie, le Président Salvador Allende.
J. C. Cartagena et Nadine Briatte.
(1) MAPU : Mouvement d’Action Populaire Unitaire
(2) MIR : Mouvement de Gauche Révolutionnaire
(3) FEDACH : Fédération des Associations Chiliennes en France
(4) FRAP : Front d’Action Populaire
(5) Général en chef des Forces Armées chiliennes jusqu’au 23 août 1973.
Paulina Enríquez, maître de cérémonie, a accordé la parole aux différents intervenants.
Henri Emmanuelli, député socialiste des Landes, a pris la parole en premier. Après avoir indiqué que ses obligations ne lui laissaient guère de temps, il expliqua pourquoi il tenait à être présent à cet hommage. Dans son intervention sont soulignées les caractéristiques inédites de l’expérience du gouvernement d’Allende pour conduire le Chili par la «voie chilienne» au socialisme, dans un monde en pleine guerre froide, et valorisé l’héritage d’Allende plein de leçons pour les générations à venir.
Étrangement, le texte lu par le parlementaire français ressemble mot pour mot à un texte mis en ligne dans ce blog depuis le lundi 3 mars 2008. La surprise de l’auteur, présent dans la salle, et la nôtre, collaborateurs du site, a été de taille. Néanmoins notre ego, faut-il le reconnaître, fut flatté par cet emprunt, et nous remercions l’assistant parlementaire pour le choix du texte.
Jean-Paul Huchon a tenu à s’associer également à cette cérémonie. Pour cela, il a quitté la séance de la session d’été du Conseil régional d’Ile-de-France (IDF), dont il est Président. Il a évoqué la mémoire d’Allende en se souvenant de la journée du 11 septembre 1973 qui l’avait surpris à Santiago alors qu’il visitait le Chili, au sein d’une délégation de la jeunesse du PSU venue pour connaître de près l’expérience politique en cours. Il a signifié à quel point la figure d’Allende et l’expérience de la «voie chilienne» au socialisme, ont suscité des vocations politiques parmi les actuels hommes politiques français.
M. Huchon a mentionné la coopération de la Région IDF avec un quartier de Santiago ainsi que sa participation financière, à hauteur de 50%, au musée Salvador Allende, ce qui lui donne des occasions de contacts et de voyages réguliers au Chili (NdR : le musée Allende a été inauguré le jour même par Michelle Bachelet à Santiago).
Il a aussi souligné que, ce qu’il appelle la «tension» entre les deux tendances politiques à l’intérieur de l’Unité Populaire, est aujourd’hui très présente au sein du Parti socialiste Français et de la gauche en général. A savoir, a-t-il précisé, la polémique entre la tendance prônant la consolidation des avancées et celle qui privilégie l’accélération des changements (NdR : la première position soutenue par Allende, le Parti communiste , le Parti Radical, des fractions du Parti socialiste et du MAPU (1), et la seconde par les autres secteurs du MAPU, du Parti socialiste avec son secrétaire général et le MIR (2)).
Finalement, M. Huchon a constaté l’actualité d’Allende parmi les jeunes générations, en prenant comme exemple le fait que son fils prépare un livre sur le Président chilien.
Fernando Valenzuela, responsable du Parti communiste du Chili en France, a pour sa part rappelé la vocation révolutionnaire d’Allende, son indéfectible confiance dans les masses, ainsi que sa ferme intention de toujours avancer, mais seulement en accord avec elles.
Il a souligné les signes de fidélité qui ont marqué les relations entre le Parti communiste et Allende, depuis 1952, jusqu’à constituer le principal appui politique du gouvernement de l’Unité Populaire.
En rappelant les massives luttes sociales menées actuellement au Chili, le représentant du Parti communiste a constaté que le manque de volonté politique des autorités actuelles pour modifier la Constitution héritée de la dictature pinochetiste, y compris au moyen d’un plébiscite, bloque toute évolution vers l’élargissement de la démocratie ainsi que le solde de la dette sociale de la plupart de la population. Il a dénoncé en particulier le maintien de la loi binominale qui marginalise le pouvoir législatif de larges couches populaires (y compris des Chiliens éparpillés de par le monde), et paralyse les réformes indispensables pour améliorer les conditions de vie des travailleurs.
Pour finir il a rappelé que l’exemple des idéaux d’Allende et l’expérience de l’Unité Populaire étaient repris par d’autres peuples et gouvernements en Amérique Latine et que l’engagement du Parti communiste reste «celui du combat pour la création d’un monde meilleur. Celui dont rêvait Salvador Allende».
Maruja PARRA, Présidente de la FEDACH (Fédération des Associations Chiliennes en France), se dit heureuse, en cette circonstance solennelle, de rendre hommage à Salvador Allende, même si cette cérémonie se tient «par contumace ». Salvador Allende, ajoute-t-elle, est mort parce que les Chiliens l’avaient choisi pour la magistrature suprême, «avec confiance et loyauté ». En tant que présidente de cette fédération, elle affirme se sentir «un peu la porte-parole du peuple chilien en France », peuple qui a subi après la mort de son Président, violences, peur, souffrance et exil. Elle tient à souligner que le fait que la communauté chilienne en France soit organisée, et en grande partie fédérée, montre «sa volonté d’exister démocratiquement, organiquement, fraternellement.»
Mme Parra précise que l’action de la FEDACH est marquée par sa profonde conviction de la nécessité morale de conserver, et aussi de transmettre aux générations futures, les principes «qui nous ont guidés sur le chemin vers le rêve de plus d’humanité, liberté, justice et fraternité dont était porteuse l’Unité Populaire ». Elle termine en déclarant que les Chiliens en sont redevables «principalement à un homme, hors du commun, Salvador Allende Gossens.»
C’est avec émotion que Jacques Fath, responsable des relations internationales du Parti communiste Français et membre du Comité Exécutif, a rappelé l’importance que représente pour les luttes en France l’exemple chilien, en impulsant une révolution démocratique dans l’unité des forces de gauche. Un exemple dont l’actualité reste entière (et de laquelle la France a grand besoin), et que l’on retrouve dans plusieurs processus en cours en Amérique Latine, a-t-il souligné. Ces gouvernements progressistes sont, a t-il affirmé, en train de modifier le rapport de forces dans cette région et dans le monde et de montrer que des alternatives sont possibles pour faire face au capitalisme.
Il a manifesté l’intérêt dans les diverses formes de gestion alternative qui surgissent en Amérique Latine
Le responsable communiste a précisé le fait que, pour Allende, démocratie et socialisme étaient inséparables. La démocratie pour Allende était aussi bien un moyen qu’un but ultime.
Il a assuré que c’est cette démarche démocratique et participative que l’on retrouve à des degrés divers dans les gestions des pays en Amérique Latine, l’adoption de nouvelles constitutions en étant l’une des meilleures preuves.
M. Fath a affirmé que «contrairement à cette vision qui fait qu’une certaine gauche, un peu partout dans le monde, préfère l’alternance à une véritable alternative au capitalisme» et se limite au rôle d’administratrice du système en place, le but d’Allende était de procéder à des transformations essentielles de la société pour construire une nouvelle légalité (le système socialiste) au service des intérêts populaires.
Il a également proposé à l’actuel gouvernement du Chili de rétablir les droits des peuples originaires, comme un hommage à S. Allende. Il s’est aussi prononcé contre le maintien de la loi binominale «qui exclut toute possibilité d’une représentation respectueuse du pluralisme» et qui écarte «de manière injuste les communiste s chiliens de la représentation parlementaire».
D’après lui, le Mercosur et la Banque du Sud sont actuellement, en Amérique Latine, deux entités qui développent les idées émancipatrices et d’intégration de S. Allende.
Il a rappelé que dans les années 70, par l’imposition de dictatures dans presque tous les pays d’Amérique Latine, les Etats-Unis voulaient en finir avec les volontés de changement des peuples. Aujourd’hui le retour conséquent des forces de progrès, dans cette région, fait naître un énorme espoir partagé par les progressistes du monde entier, a-t-il ajouté.
Il a constaté que «la convergence de nos luttes, la recherche partagée de nouvelles propositions pour des nouvelles alternatives au capitalisme, la création d’espaces de rencontre ouverts à toutes les forces progressistes sont à l’ordre du jour ». «Il s’agit d’une exigence pour nous tous qui voulons une autre société, conquérir des droits nouveaux, inventer des formes de démocratie inédites tant au plan national qu’au plan européen ou mondial» a-t-il souligné.
M. Fath a terminé avec ces mots : «Salvador Allende a été un homme qui a su voir la possibilité réelle d’un changement révolutionnaire par la démocratie et la liberté. Il fut un homme de son temps, capable d’inventer et de rendre possible une idée nouvelle».
Danilo Aravena, ancien Secrétaire d’Etat à la Jeunesse du gouvernement d’Allende et membre du Comité Central des Jeunesses socialistes sous la dictature, s’est déplacé depuis Madrid pour assister à cette commémoration. Il a retracé la vie politique d’Allende depuis son adolescence, en s’arrêtant sur les grands moments décisifs de son parcours. Ainsi sont ressorties son alliance avec le Parti communiste en 1951 à l’occasion de sa première candidature présidentielle (en 1952), sa volonté d’unité matérialisée dans la création du FRAP (3) pour affronter les élections de 1958, l’influence de la Révolution cubaine et sa troisième tentative de gagner les joutes électorales en 1964. Il a largement développé tant les réussites que les difficultés du gouvernement de l’Unité Populaire. Il a remémoré les grandes réalisations telles que la réforme agraire, la nationalisation du cuivre, les progrès dans les domaines éducatif, médical, civique, etc, sans oublier le développement de la «conception plus nette de la sécurité nationale» aux dires de Carlos Prats (5). En rappelant les actuelles difficultés des Chiliens dans tous les domaines sensibles de leur vie, «plus que jamais soumise à l’implacable exploitation de quelques consortiums nationaux et internationaux », l’intervention de l’ancien Secrétaire s’est terminée par un appel à la lutte pour «ouvrir véritablement les Grandes Avenues vers» ce que les Français résument dans la formule «Liberté, Egalité, Fraternité».
Armando Uribe Echeverria, Président du Parti socialiste chilien en France, a commencé son intervention en affirmant que «le Parti socialiste du Chili que je représente en France n’est plus que l’ombre du Parti de Salvador Allende». Et qu’il se devait envers la mémoire d’Allende d’employer «la franchise et la vérité sur la réalité politique chilienne d’aujourd’hui».
Il a ensuite développé deux aspects de la doctrine politique de S. Allende : son patriotisme et son légalisme.
Concernant le premier aspect, il souligne le profond attachement d’Allende à la réalité nationale qui dicte les mesures nécessaires qui doivent être prises indépendamment de la tendance politique du gouvernement en place. Cette connaissance de la réalité et cet impératif de changement montrent que «la gauche, en tant que représentante du peuple, est la représentante légitime de la nation» a-t-il déclaré. Ce patriotisme s’est aussi révélé, a t-il continué, lors de la dénonciation de l’interventionnisme des Etats-Unis pendant la campagne présidentielle en faveur de la Démocratie Chrétienne et au moment de son ultime combat dans le palais de la Monnaie pour défendre l’intérêt national contre le coup d’Etat, manifestation des intérêts étrangers.
Le deuxième trait développé par le responsable socialiste est le légalisme qui a conduit Allende à développer sa thèse de la «voie chilienne vers le socialisme », «la voie étant simplement celle des urnes », ce qui représentait un grave danger pour la domination américaine dans le contexte de guerre froide. Il a tenu à préciser que le processus engagé dans le Chili d’Allende se rapprochait beaucoup moins de celui des pays socialistes que de celui des démocraties d’Europe Occidentale. Il a souligné la tentative d’instaurer au Chili un «pacte républicain» qui a été effacé par l’ingérence étrangère et le manque de patriotisme de certains.
Le Président du Parti socialiste a ensuite constaté l’état de crise dans lequel se trouve le Chili actuel dans le cadre d’une transition négociée en secret avec les militaires. Crise d’abord politique qui touche tous les partis existants, y compris le Parti socialiste, dont «ses électeurs comme ses militants ont de plus en plus de mal à le reconnaître comme socialiste », a-t-il ajouté. Crise économique ensuite, illustrée par la concentration de la rente, l’effroyable taux d’endettement des ménages, les taux de crédit usurier qui dépassent les 52%, la privatisation dans tous les domaines à commencer par l’éducation et la santé. Crise également institutionnelle en approfondissant le modèle économique et maintenant la Constitution héritée de Pinochet. Le Président du Parti socialiste a déclaré que cet ordre institutionnel injuste favorise l’application de lois répressives envers les Mapuches, ainsi que l’impunité des responsables politiques qui ont cautionné le coup d’Etat, le maintien de l’arbitraire loi binominale et le déni du droit de vote aux Chiliens de l’étranger.
M. Uribe, en constatant la mort politique du modèle de transition chilien, a fait un appel aux forces vives de la nation pour instaurer une nouvelle charte constitutionnelle. Finalement, de manière solennelle, il a demandé «au nom et en souvenir du président Salvador Allende », que soit renouvelé «le pacte suprême des citoyens libres, en demandant la réunion d’urgence d’une Assemblée Constituante».
Pour notre part, nous voulons invoquer l’image de Salvador Allende, en cette année du centenaire de sa naissance, à travers l’un des traits les plus indélébiles de son action politique : son souci permanent de donner une dimension éthique à toute activité politique.
Nous pensons que cette attitude constitue, ou devrait constituer, une ligne de conduite qui permettrait, non seulement de nous distinguer, nous hommes et femmes de gauche, de nos adversaires politiques, mais plus encore serait la dimension essentielle sans laquelle on ne peut pas être porteur des valeurs de progrès, ni prétendre aspirer à créer un monde plus juste.
Le prestige et la stature d’Allende, qui traversent les décennies, sont basés sur le respect sans restriction de valeurs morales qui lui ont dicté sa conduite politique.
Le meilleur hommage que peuvent lui rendre ceux qui se disent admirateurs et continuateurs de son œuvre est d’avoir et d’essayer de maintenir la même honnêteté morale dont a fait preuve, tout au long de sa vie, le Président Salvador Allende.
J. C. Cartagena et Nadine Briatte.
(1) MAPU : Mouvement d’Action Populaire Unitaire
(2) MIR : Mouvement de Gauche Révolutionnaire
(3) FEDACH : Fédération des Associations Chiliennes en France
(4) FRAP : Front d’Action Populaire
(5) Général en chef des Forces Armées chiliennes jusqu’au 23 août 1973.
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