Entre la violence sociale et la violence naturelle le parallèle n'est pas gratuit, chaque Chilien le sait ou le pressent. Les avions que ce jour-là ont fait trembler la ville de Santiago et exploser le Palais présidentiel ont très vite annoncé la conception sismique que Pinochet se faisait du pouvoir.
La terreur policière et la violence sismique bouleversent le lien social de la même manière. Proche, voisin, ami, les ponts sont coupés, chacun est seul face à un pouvoir aveugle. La dissolution du lien social est le premier objectif de la terreur policière. Le groupe n’est d’aucun secours, chacun est seul comme face à la mort. La société imite la nature dans sa gestion du désastre. Dans les deux cas, la violence est d’autant plus redoutable que les lois qui la régissent restent opaques. Quand ? Qui ? Pourquoi ? Personne n'en sait rien. Le pouvoir est arbitraire. Il peut s'exercer à l'improviste au milieu de la nuit, vous cueillir dans l'endroit le plus secret, personne n'est à l'abri, son onde de choc traverse les frontières. Les femmes et les hommes qui ont osé le braver finissent soit broyés par la machine soit rejetés de l’autre côté de l’ocean. Cette terreur aveugle génère à la longue une forme de fatalisme qui conduit à la passivité.
La mise en scène d'un pouvoir écrasant a frappé les esprits dès les premières heures du putsch. Le bombardement du Palais de la Moneda n'avait pas d'autre but, frapper le sommet de l'état dans la personne de Salvador Allende dont cette année nous commémorons le centenaire, mais surtout frapper les imaginations, en rejouant le scénario traumatique des tremblements de terre. Le pouvoir militaire devant être ressenti désormais comme une force tellurique contre laquelle il est impossible de lutter.
Le tremblement de terre qui fut le putsch du 11 septembre 1973 et l’instauration du premier modèle néo-libéral a marqué le pays en profondeur. En effet, c’est ce modèle imposé à feu et à sang qui est resté hégémonique jusqu'au jour d'aujourd’hui, et c’est en son nom que toutes les exactions du régime Pinochet ont été justifiées.
L’émergence d’un nouveau pouvoir économique, d’une nouvelle classe d’affaires proche du cercle étroit des militaires a pu ainsi s’épanouir sans contrepoids, sur une terre ravagée par la répression et tétanisée para la terreur. Dans le jargon cher aux économistes de l’époque, on a appelé ces séquelles le «coût social», terme qui recouvrait le chômage de masse, l’iniquité et l’arbitraire, mais aussi les morts, les disparitions, les tortures. En un mot l’ignominie.
La recherche et le jugement de coupables reste encore en attente. Le report du procès en France contre les responsables de la disparition des quatre français sous la dictature, nous inquiète, tout comme la fermeture du procès qui avait pour but l’éclaircissement de l’assassinat de Victor Jara à Santiago du Chili.
Un juge chilien a refermé jeudi le dossier du meurtre de Victor Jara mais la famille de ce chanteur engagé, tué il y a 35 ans sous la dictature d'Augusto Pinochet, a protesté parce qu'elle estime que tous les responsables n'ont pas été poursuivis. « C'est incroyable, je ne m'attendais pas à cela », s'est insurgée la danseuse britannique Joan Jara, veuve du chanteur. « Cela m'inquiète beaucoup qu'un cas aussi emblématique soit refermé de la sorte. Qu'adviendra-t-il des autres cas du stade du Chili de Santiago ? » Les avocats de la famille ont annoncé qu'ils feraient appel.
Une bonne nouvelle secousse à provoqué l’arrestation d’une centaine d'ex-agents de Pinochet.
Une centaine d'anciens soldats et membres de la police secrète d'Augusto Pinochet, la Dina, ont été arrêtés, lundi 26 mai 2008, au Chili, dans le cadre d'une enquête sur l'enlèvement et l'assassinat de quarante-deux personnes, au début de la dictature, au cours de l'opération Colombo. Un dossier pour lequel l'ancien dictateur avait perdu son immunité. Mort en 2006, Augusto Pinochet n'a jamais répondu de ses actes devant les tribunaux.
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